Combats de société

Le contexte de la sortie de College Boy est particulier. C’est un single providentiel, à l’heure d’une actualité brûlante en France. Nous sommes en 2013, et le pays se déchire quant à la question d’autoriser ou non le mariage homosexuel, ou le mariage pour tous dans son appellation légale. Les institutions catholiques s’insurgent et une partie de la classe politique fait bloc, avec une énergie étonnante. Les manifestations dépêchées contre cette « hérésie » désolent Nicola Sirkis qui heureux de retrouver au cours du Black City Tour 1 son public argue un discours de tolérance à chaque date, en intro de College Boy. Rien d’étonnant de la part d’un homme qui a toujours prôné la tolérance à cet égard, depuis 3ème Sexe, et du parrain de l’association Le Refuge qui s’engage à secourir de jeunes homosexuels rejetés par leur famille. Bref, le Black City Tour 1 se termine, l’heure est venue de sortir le single qui succédera à Memoria. Avec un clip attendu au tournant…

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« On sait qu’ici vous êtes très tolérants, et hier à Paris il y a encore eu des manifestations… des gens qui n’aiment pas beaucoup leur prochain. »

College Boy est un morceau très réussi, arrivé tard dans la phase de composition de Black City Parade. Construit sur une mélodie pop/new wave entêtante, il héberge la voix plus grave qu’à l’accoutumée de Nicola, à la fois naïve et impassible, jouant le garçon qui se heurte aux normes rigides de son environnement et s’en déjoue quand il nourrit des désirs sensuels. Rien de plus naturel pour un adolescent qui se découvre, si ce n’est que celui-ci doit prendre sur lui de les dissimuler aux yeux d’un monde qui ne le comprend pas.

Dans un contexte où la parole homophobe a été violemment délivrée, il fallait bien une réponse à la hauteur. Indochine, par le biais du réalisateur québécois Xavier Dolan, en livre une à la hauteur des espérances. Quitte à choquer quelques esprits choquants. Le clip, en noir et blanc et au format 1:1, sort le 2 mai 2013. Il surprend autant qu’il bouleverse par le scénario à première vue improbable d’un collégien harcelé dans un établissent catholique, dans une escalade de violence où aux moqueries et aux crachats succède une crucifixion humiliante et quasi-mortelle. A première vue improbable donc, mais comment peut-on catégoriquement nier qu’un jeune subissant le harcèlement scolaire ne puisse-t-il pas vivre ainsi son calvaire ? Surtout quand on sait comment certains d’entre eux se terminent… L’issue du clip est plus positive : le garçon se réveille à la fin, défiguré, esquissant un « merci » aux spectateurs, peut-être parce qu’à l’exposition de la souffrance vient de naître une chance que puisse celle-ci être résorbée en changeant les mentalités…

La peur de collégiens formatés car nourris par une norme qui les conduit à rejeter ceux différent d’eux, les autres se bandant les yeux comme on nie la réalité, bonne qu’à être capturée sur un smartphone, les religieuses se précipitant dans leurs papiers songeant qu’un précepte puisse prévaloir sur la souffrance d’un être humain harcelé, la violence sertie de guirlandes parce que le spectacle est vendeur… en cinq minutes, Xavier Dolan a livré une symbolique sur les torts d’une société à la portée plus longue que n’importe quel discours.

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Une heure après la sortie du clip, l’on retrouve Françoise Laborde, membre du CSA, qui monte au créneau sur les ondes radio, agitant des bras et demandant la censure immédiate de la vidéo. Les chaînes d’info passent activement le message, avant de diffuser le soir même la série américaine préférée des français avec du sang et des meurtres en série.

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Une première depuis l’époque Paradize, le single sort en Maxi 45 tours, accompagné d’un Maxi CD incluant des remixes. Celui d’Oli, d’une durée d’onze minutes, est d’une qualité remarquable, oscillant entre un piano errant et une fresque électro percutante. Un autre est le fait de Carbon Airways, duo français qui a assuré la première partie de certains concerts du BCT1. Le dernier remix par un groupe new-yorkais ajoute un couplet de plus à la chanson.