La loi de la jungle

Le tour 88 qui impose 7000 Danses sur scène est une tournée plus que jamais internationale. Certes le groupe s’était déjà exporté jusqu’en Scandinavie, mais l’on monte encore d’un cran et celui-ci se montre pour le coup très inattendu : le Pérou ! Difficile de concevoir qu’un artiste français puisse avoir du succès dans cette contrée aussi lointaine et en marge avec le spectre de la société occidentale, mais Indochine au Zénith avait cartonné là-bas. El Virrey, le distributeur de musique local, avait un jour testé le potentiel du 45 tours de 3ème Sexe et le succès a été immédiat. Les trois premiers albums n’y sont même pas sortis et c’est une compilation exclusivement distribuée aux Péruviens qui comblera le vide, tandis que 7000 Danses se joint au voyage et rencontrera à son tour un gros succès. Cette fois pas d’excuses, le groupe devra y faire étape au cours de la tournée, et ce séjour outre-Atlantique marquera à jamais les quatre garçons autant que cette ultime tournée d’une décennie arrivée à terme.

En effet, le Tour 88 se résume bien souvent à cette escale péruvienne alors que la tournée est également passée par le Canada, la Belgique et la Suisse (moins surprenant pour ces deux dernières, j’en conviens). Doit-on vraiment s’en étonner ? Les provinces d’Amérique du Sud échappent difficilement à l’idée qu’on s’en fait, de ces pays en proie aux trafics de stupéfiants et aux micmacs politiques. Le séjour d’Indo a bien été chaotique, où avant même son départ de Paris celui-ci était déjà menacé par les députés d’extrême-droite locaux, prodiguant du « groupe de pédés qui mettent en valeur la pornographie ». Arrivé à l’aéroport de Lima, faut-il également jongler avec les menaces du groupuscule terroriste Sentier lumineux, une insurrection ultra-violente dérivée du parti communiste péruvien qui pousse le groupe à demeurer sous protection policière 24h/24, en plus d’être confiné à l’hôtel pour n’en sortir et ne faire du tourisme que sur dérogation officielle. Ajoutons à cela que les producteurs français avaient survendu le concert à un tourneur sud-américain qui s’avérait être un narcotrafiquant, les murs couverts d’affiches bien plus que nécessaire, les paparazzis qui passent par mille et une astuces pour prouver que les boys sont des « envoyés du diable », les fans acharnés partout jour et nuit violemment réprimés par la police locale, le matériel bloqué sur place qui exige de passer par des avocats et des officiels pour débloquer la situation… Heureusement pas de fausse affaire de trafics de drogue mais c’est bien là la seule galère épargnée au groupe au cours de ce séjour tenu dans les griffes de la corruption. Autre chance, les concerts se sont très bien passés…

La vidéo tournée et réalisée par Pat Le Guen fait office de reportage live où les chansons jouées dans le Coliseo Amauta sont entrecoupées de séquence d’images diverses et variées sur le séjour du groupe au Pérou, des excursions touristiques sur la terre des Incas aux coulisses de ces quatre concerts donnés entre le 29 avril et le 7 mai 1988, sous haute sécurité bien entendu. Le contenu du live est proche des représentations données ailleurs, si ce n’est que Nicola s’adresse au public en espagnol, et l’on retrouve donc cette ouverture sur La Bûddha Affaire directement intégrée à la vidéo, alors qu’un écran de fond diffusait le clip sur scène. Les chansons suivantes demeurent proches de leur version initiale, on retrouve donc Les Citadelles qui succède logiquement à l’intro et une majeure partie des titres du dernier album. Les rares et majestueuses 7000 Danses et Une Maison Perdue… font souffler un vent mystique sur l’Arène de Lima. 3ème Sexe de l’album précédent fait évidemment partie du show, ainsi que 3 Nuits par Semaine uniquement entraperçu sur le VHS mais dont on entend le refrain chanté à l’unisson par le public. Salômbo surprend par son intro, même si déjà entendue sur le live précédent. Sans surprise L’Aventurier et Les Tzars sont de la partie, ainsi que les deux autres singles issus de 7000 Danses. Les témoignages vidéo démontrent que le public péruvien n’a rien à envier à celui européen et ouf, pas d’explosion de bombes à l’horizon !

Après cette expérience éprouvante, le groupe rentre en France et Dimitri annonce son départ pour se mettre au vert. Nicola lui-même pensait tout arrêter le trop-plein que l’on peut imaginer. L’aventure continue pourtant à trois et la chanson Bienvenue Chez les Nus que Nicola écrira en 1993 reviendra enfin sur ce périple sans commune mesure, des conditions de vie de la population à la répression des forces locales. Difficile ne pas être marqué quand un tel spectacle se déroule sous nos yeux, loin du confort français, au point de ne plus y avoir jamais remis les pieds. La fanbase toujours aussi immense et solide là-bas attend pourtant le retour du groupe, trente ans après son premier passage…

Le Tour 88 est l’un des supports les moins accessibles de toute la vidéographie d’Indo. Uniquement disponible sur VHS, lui-même peu revendu sur les marchés d’occasion, il est en plus difficile de dénicher sa version numérisée sur le net. Il existe néanmoins une captation live visible sur une plate-forme de vidéo bien connue, mais avec une setlist différente et moins axée sur les titres de 7000 Danses.

La VHS