Rien que pour vos oreilles

1991. Voilà dix ans depuis qu’Indochine a vu le jour. Bien que poursuivant le cours de son existence, il n’est pas inopportun d’établir un premier bilan des dix premières années bien remplies du groupe, qui a charmé la France et bien d’autres pays avec une série de hits comme peu de formations l’ont fait avant ou après eux. Dix ans d’histoire, de tubes, de tournées, d’anecdotes en tous genres et bien d’autres choses encore. Alors voici le bien-nommé Birthday Album 1981-1991, qui regroupe avec le renfort de la biographie écrite par Jean-Eric Perrin les titres majeurs de cette glorieuse première décennie, la quintessence d’une époque achevée, quitte à prendre le risque de favoriser les détracteurs qui soutiennent la fin annoncée d’Indochine.

Le Birthday Album n’est pas la première compilation du groupe, mais l’inconsistance du best of péruvien sorti en 1988 focalise plus légitimement les attentions sur ce premier véritable florilège. Comme tout bon album, l’ensemble est propre et cohérent, alignant les versions single des chansons parues en single donc certaines sont inédites sur support CD. C’est notamment le cas de 3ème Sexe, qui mélange habilement la version 45 et Maxi 45 tours de la chanson, ce qui en fait une intéressante alternative de la version présente sur l’album. 3 Nuits par Semaine témoigne également de quelques différences intéressantes au niveau de son intro et de la fin, tirée en longueur comme sur le Maxi. More est privé de son introduction instrumentale pour correspondre à la version du clip, La Chevauchée des Champs de Blé facilite l’accès à l’édition single assez inédite par rapport à l’album, de même que Kao Bang, La Machine à Rattraper le Temps et dans une moindre mesure Des Fleurs pour Salinger.A noter que les titres sont disposés dans l’ordre chronologique, si l’on excepte L’Aventurier qui devrait en toute logique figurer après Dizzidence Politik. A la toute fin du disque se cache une chanson totalement inédite, La Guerre est Finie, qui a fait l’objet d’une sortie en single trois jours avant la compilation. Cette dernière totalisera 600’000 exemplaires vendus dont 500’000 en France, ce qui confirme malgré les temps à venir l’affection du public pour le patrimoine musical d’Indochine… et fait momentanément taire leurs contempteurs.
En l’absence de tournée pour l’album Le Baiser, Indo retrouve la scène pour honorer son dixième anniversaire et soutenir les ventes de la compilation. Le Birthday Tour enchaîne une vingtaine de dates de mai à août 1992 et le groupe commence à découvrir une nouvelle génération de fans qui conforte le trio quant à son avenir, en tout cas sur scène. On s’étonnera de voir parmi les étapes de la tournée un passage sur l’île de la Réunion à la foire Bras-Panon, qui se paiera même le luxe d’une captation vidéo.

En 2004, BMG décide avec l’accord du groupe de rééditer la compilation, même revue au goût du jour. Le Birthday Album 1981-1996 restera cependant un OVNI dans l’historique du groupe, pour plusieurs raisons. D’abord pourquoi jusqu’à 1996 ? On ne saura jamais. Mais surtout, BMG ne s’est pas contenté d’une simple remastérisation et a un opté pour un remixage parfois aléatoire des morceaux et les a adaptés pour le format SACD (Super Audio CD), une variante améliorée du support CD qui présentait l’avantage de déployer la musique sur six canaux (5.1) plutôt qu’en stéréo classique. L’idée initiale est très bonne, mais dans les faits il y a beaucoup de maladresses : on retrouve des sons dégradés, des longueurs inutiles voire des passages non retenus par le groupe à l’époque (« Comme un rêve » sur Les Tzars). A propos de cette chanson, la fin totalement ubuesque de celle-ci a de quoi faire sourire ! En tout cas le format SACD a été un échec commercial, et cette compilation au vernis craqué n’a plus jamais été rééditée. L’objet reste un atout pour les collectionneurs car les passages inédits apportent une vision supplémentaire aux chansons. Le Singles Collection trente ans plus tard apportera son propre lot de version inédites et nous apprend la leçon qu’aucune compilation ne peut se targuer d’être l’ultime recueil, ce sont au mieux des compléments et chacun se fera son Meilleur d’Indo en s’appuyant sur les multiples versions de ces titres auxquels les supports de tous horizons nous accordent l’accès.

Le Birthday Album est sorti en CD et K7, mais pas en vinyle, une première en 1991. Une édition limitée collector emballe le disque dans un très beau digipack à la pochette noire mate, qui est là aussi une première pour Indochine. A l’instar de 7000 Danses, cet album-anniversaire est aussi honoré d’un carnet promotionnel au format A4 enrichissant le contenu du livret. Pour l’anecdote, on s’étonnera d’y voir en quatrième de couverture une publicité pour une marque de cigarette, ce qui était concevable à l’époque ! Le Birthday Album a par ailleurs été dédié à Jean-David Askil, président du fan-club qui a rendu de nombreux services au groupe dans les années 80 avant d’être emporté par la maladie en 91. Quant au Birthday Album 1981-1996, les deux disques peuvent être lus en SACD comme en CD, et sont enfermés dans un jewel case de type bords arrondis, comme la première édition de La République des Meteors après lui. Un CD promo de cette compilation regroupe tous les morceaux mais uniquement en extraits de quelques secondes chacun. Il existe aussi un single promo de Drugstar, bizarrement en CD classique et non en SACD, mais la chanson y gagne : c’est la meilleure remastérisation de la compilation. Et pour revenir sur l’album standard de 1991, remarquons au verso ces deux jeunes filles au regard passionné symboles de ces générations de fans sans cesse renouvelées ; un fait non démenti trente ans plus tard.