Orichalque

Derrière ce nom d’album live se cache en vérité un single, sorti grosso modo dans le même temps que Radio Indochine, en fin d’année 1994. Pressé à seulement 2’000 exemplaires comme l’indique un macaron posé sur l’objet, ce CD 2 titres met en avant l’interprétation de 3ème Sexe en piano-voix, un moment intime du concert durant lequel l’échange entre le groupe et le public des Francofolies de Spa s’est montré exceptionnellement fort. Et dans la morosité massacrante des années 90 que traverse le groupe, un tel échange n’est pas anodin. Il rappelle ce lien que rien ne semble pouvoir briser.

Si le son est très propre, trop comme nous en parlions sur l’article dédié à Radio Indochine, l’on peut difficilement mentir sur l’ambiance de communion qui règne au cours de cette interprétation de 3ème Sexe. La boîte à rythme des années 80 et la guitare de Dominik sont troquées pour un piano maîtrisé du bout des doigts par le claviériste nouvellement arrivé, Jean-Pierre Pilot, dont on connaît aujourd’hui l’importance qu’il prendra dans la direction musicale d’Indo dans la seconde moitié des années 90. La mélodie plus fluide et aérienne qu’elle ne paraissait alors dans la décennie précédente gagne en signification, elle y trouve sa réelle d’identité d’hymne qui s’étend à présent sur deux générations. Comment tromper la sincérité de l’échange entre un artiste et son public quand tant de candeur subsiste sur une chanson de dix ans, qui plus est armée d’un simple piano et de plusieurs milliers de voix ?

C’est alors l’occasion de revenir sur le parcours live de 3ème Sexe, qui s’étale sur plus de quatre décennies bien remplies maintenant ! Devenu rapidement un standard du groupe, le tube traverse les époques avec ses congénères qu’il est inutile de rappeler, mais la particularité de cette chanson revient à sa polyvalence : elle fonctionne aussi bien en acoustique qu’en version électrique, elle-même modifiée selon l’évolution des tendances musicales du groupe. Conservant sa structure new wave dans les années 80, elle connaîtra un premier remaniement pendant le Birthday Tour. Devenue donc un piano/voix ici en 1994 puis sur le Wax Tour 1997, elle refait un retour fracassant sur le Dancetaria Tour en version rock. Arrêtons-nous d’ailleurs sur le cru 1999, peu connu en l’état mais intéressant dans son évolution. Sur la période de promotion de l’album, Nicola reprenait le premier couplet/refrain sur le piano de Jean-Pierre Pilot comme depuis cinq ans, mais à la fin du premier refrain, la guitare de Boris prît le relais dans une transition étonnante mais pour le moins jouissive. C’est le retour rock de 3ème Sexe auquel s’en suivra encore une autre version dotée d’une longue intro pendant laquelle Nicola présente les musiciens (ce n’est pas un mal sachant les nombreux allers et venues de cette période), c’est aussi la toute première chanson à fonctionner sur le principe du medley puisque suivie de Canary Bay et de Salinger. Du rock, sa version Paradize Tour va en délivrer en grande pompe, c’est même jusque maintenant son interprétation la plus musclée de son existence ! Absente de l’Alice & June Tour, elle revient en piano-voix pendant le Meteor Tour puis de nouveau en électrique en fin du medley du Black City Tour. Nicola y scande comme pendant le Paradize Tour cette allocution devenue emblématique « A tous les garçons qui aiment les garçons, à toutes les filles qui aiment les filles, à toutes les filles qui aiment les garçons, à tous les garçons qui aiment les filles ». Un résumé parfait de 3ème Sexe ! Le 13 Tour marquera aussi le titre de son empreinte avec un arrangement simpliste mi-piano mi-électro, mais c’est 3SEX aux côtés de Christine and the Queens qui attirera l’attention, et dont l’interprétation live sur la scène du Central Tour en 2022 a fait de nouvelles émules tandis que l’on appréciât entendre de nouveau le morceau en entier.

Revenons au Live 94-95 maintenant ! Ce n’est pas seulement un single de 3ème Sexe, c’est aussi l’unique support contenant une version live de Sur les Toits du Monde, superbe chanson du dernier album alors dans les bacs à laquelle j’avais déjà consacré un article. Comme précisé sur la pochette ce titre ne figure pas sur l’album live, le passage d’Indo à Spa ayant zappé ce morceau, c’est donc sur une autre date d’Une Nuit dans votre Ville qu’il a été enregistré. Le style demeure néanmoins le même, propre et dynamique, qui attaque directement sans hélas jouer son introduction pleine de poésie. Sur les Toits du Monde n’en demeure pas moins un régal à écouter, et le sera encore plus quand Oli se chargera d’en faire une version rock puissante entendue sur quelques dates du Paradize Tour et sur les tournées des clubs.

En conclusion, cet extrait live semblant perdu dans les rouages de l’histoire d’Indo est en vérité un parfait représentant de l’évolution musicale du groupe, à la gloire de l’un de ses standards comme à celui d’un groupe qui traverse les époques. Il faudra cependant plutôt se rabattre sur Radio Indochine, le single demeurant un objet de collection considérant son nombre d’exemplaires limité. La pochette en carton se distingue des CD 2 titres habituels par son volet ouvrant, le CD étant glissé dans un repli à l’intérieur.