La métropole des ombres

Paradize +10 n’est pas qu’une occasion de célébrer l’anniversaire de l’album culte d’Indochine, c’est aussi le moment de parler de l’avenir ! Et l’avenir, il a un nom, c’est Kill Nico, et une chanson, interprétée pendant les deux concerts du 1er et 2 février 2012 pour les dix ans de Paradize. L’album est encore en plein gestation et ce titre aussi, dont le son et les paroles sont appelés à changer mais jouer le morceau durant ces concerts était le moyen idéal de la tester. Le son quoique sans grande audace est toujours aussi bon. C’est ensuite sur Internet que ça se passe, avec des bouts de maquettes distillés au compte-goutte via des teasers qui mettent l’eau à la bouche, et le son laisse rêveur sur le nouvel Indo qui se profile… C’est dynamique, c’est du new wave moderne, ça va encore bouger ! Memoria, le premier single, prend néanmoins les attentes à contre-pied avec son côté road-trip citadin long de sept minutes. L’album ne s’en fait que plus attendre et s’il est promis pour le 11 février 2013, il est rendu disponible en intégralité sur iTunes quelques jours plus tôt et chacun peut enfin faire son avis sur la bête…

Groupe
Prêts pour la « plus grande tournée d’Indochine » ?

Des gratte-ciels dressés dans la pénombre, qui composent cette vaste ville lumineuse surplombée par cette nuit profonde… que peut-elle bien abriter ? Nicola y a placé des émotions accumulées au cours de ses voyages à Berlin, à Tokyo… quand il a assisté à la parade de la comédie humaine se déroulant sous ses yeux. De cette Traffic Girl nord-coréenne régulant une circulation qui n’existe pas à ce College Boy harcelé dans son établissement scolaire, à ce pauvre errant à bord de son auto dans une capitale nocturne à ces étudiants québécois qui manifestent dans Le Fond de l’Air est Rouge, ou bien cette princesse lointaine qui coupe des têtes (Salomé) comme Candy en son temps, ou bien encore Le Messie, paradoxe personnifié attendu à New York… tout se dresse comme un tableau vivant. Et puis Black City Parade, cette synthèse en ouverture où le terrain s’ouvre et se répand en un spectre tentaculaire, est la pièce maîtresse d’un album résolument moderne. Il raconte toutes ces histoires à la fois avant de les détailler chanson par chanson. Europane ou le Dernier Bal est le bilan, témoin émouvant d’un monde en panne qui ne peut s’en remettre qu’à ses propres idéaux.

Les chansons sont pour la plupart longues, aucune ne dure moins de quatre minutes ! Et sont le fruit d’un long processus de création où il fallut réunir de nombreuses idées sur un terrain commun pour donner un résultat à la fois loin des convenances mais fidèle à l’esprit Indochine. Pas toujours simple, après trente ans d’existence, de ne pas sortir l’album de trop. Heureusement l’album est vite apprivoisé pour ses qualités évidentes. Il faut dire qu’un poids lourd comme Wuppertal a de quoi convaincre, dès la première écoute. Cette imposante chanson mêle un ballet gracieux au climat chaotique d’une ville ultra-industrielle à l’image du moins subtil Belfast, boule de nerf pop/rock/électro qui file comme un train à toute vitesse. Black City Parade est un disque hétérogène, passant des tubes en puissance aux plus confidentiels Théa Sonata et Anyway, témoins des états d’âme de leur auteur. Nous Demain résume aussi un état d’esprit, l’homme qui emmène sa belle en voiture sur la route de l’évasion dans un élan franchement optimiste propulsé par la guitare rugissante de Boris. The Lovers est une balade crépusculaire composée par Tom Smith (The Editors), qui deviendra malgré elle un hommage dédié au peuple philippin au cours du Black City Tour après les ravages du typhon Haiyan survenu le 7 novembre 2013. Enfin, Trashmen succède à Glory Hole en tant que nouvelle égérie instrumentale et promet une ambiance survoltée pour les concerts à venir !…

Black City Parade est un album au contenu copieux, à l’image de ce qu’augurait la pochette, où l’on relève pléthore d’émotions humaines rencontrées ça et là quand on s’enfonce dans la ville. C’est à la fois la réalité et un univers soigneusement ficelé malgré une recherche visuelle bien plus sobre que dans les deux précédents albums (le départ de Peggy M. se ressent). N’empêche que cet opus débouche d’une longue maturation qui confirme qu’Indo a encore des choses à dire.

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A album ambitieux, sortie ambitieuse, le douzième Indochine se décline en digipack limité, vinyle, box… L’édition limitée comprend un second disque avec trois bonus qui n’ont rien à envier à leurs homologues du premier CD, surtout la semi-conceptuelle Salomé que les fans apprivoiseront très vite. La box FNAC rajoute quant à elle un disque qui lui est exclusif, Juste la Musique, dont le nom se suffit à lui-même, et c’est un bonus fort intéressant compte tenu de l’excellent travail exercé sur le corpus musical de cet album « élégant et puissant ».

Ajoutons à tout cela le DVD de Black City Parade Le Film, making-of vidéo de l’album sorti quelques mois plus tard et dont les quinze premières minutes sont incluses dans la box.

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Editions digipack, Box FNAC et double vinyle

En juin 2014 a lieu une réédition, avec les remixes rassemblés sur un CD, un DVD des clips, deux extraits live enregistrés à Bruxelles… le tout emballé dans une prestigieuse Black City Box numérotée. A la naissance d’Indochine Records l’année suivante ressortent successivement un LP puis un CD digisleeve avec la mention du label pour seule différence.