Le grand retour de Bobby
La signature avec TF1 pour la commercialisation d’Indo Live peut avoir des allures de pacte avec le diable, d’autant que le double CD est davantage vendu comme un best of live que comme le concert portant les titres de Wax, mais en ces temps durs un score de 300’000 ventes n’est pas négligeable pour Indochine. C’est un chiffre même impressionnant, loin au-dessus des ventes de Wax qui atteint péniblement les 50’000 exemplaires dans cette même période. Nicola considère Indo Live comme la seconde chance de l’album, sorti dans l’indifférence générale, ce qui a permis à un plus large public d’en découvrir les chansons phares telles que Satellite et Drugstar… Outre les chiffres de vente, la mise en avant par la plus grande chaîne de télévision française a la vertu de remettre en avant le groupe de rock devant le grand public alors abreuvé de boys band et de chanteuses à voix. C’est le début du renouveau médiatique.
Le contexte replacé, il est temps d’aborder le véritable sujet de cette page ! On ne va pas se mentir, remettre en avant L’Aventurier pour attirer l’attention perdue du grand public est une solution un peu facile. C’est bien là l’objectif de ce single promo extrait du live, c’est dit, c’est assumé… Mais outre les bienfaits mentionnés plus haut, c’est là le moment de prouver que le groupe a su évoluer, quand bien même il n’en reste plus que deux membres sur quatre ! C’est l’Indochine 1.5, un peu ancien et un peu nouveau, expérimenté et plein de jeunesse, qui joue de nouveaux titres efficaces et rejoue les anciens avec une vision modernisée. On l’a vu anciennement avec 3 Nuits par Semaine, approché différemment depuis Radio Indochine, mais l’on se penche cette fois sur ce bon vieux Bob Morane qui n’a pas pris une ride non plus ! Son armature rock lui sied à merveille, et Indo ne cessera d’améliorer la formule tournée après tournée…
Et il en existe beaucoup, des versions live de L’Aventurier. Une abondance qui suit logiquement le nombre de tournées depuis le début de la carrière d’Indo au gré des styles et des idées qui ne manquent jamais d’enrichir le mythe. On peut compter dix-sept versions en 2022, et depuis quarante et un an les intros n’auront de cesse d’être retravaillées, comme sur le Dancetaria Tour où les lignes de synthé s’effacent au profit d’un lointain battement qui s’amplifie avant d’exploser. Paradize y ajoutera l’idée du corps christique de Nicola sur les premières notes de guitare du gimmick iconique. De menus détails améliorent un peu plus la recette comme ce riff introduit au milieu du dernier couplet, court mais étrangement efficace dans sa manière de redynamiser le titre. Bruits d’horloge « carrollesque » chez Alice & June, mais le Meteor Tour se démarque avec sa première partie qui effleure les quatre minutes, carrément ! Cela paraît long, mais avec les paysages désolés du no man’s land qui annoncent l’arrivée salvatrice de Bob Morane, ça passe mieux ! Comme si la guerre s’achevait grâce au « héros de tous les temps », démarche culottée mais fichtrement bien trouvée ! Le Black City Tour proposait un autre genre d’intro où les rideaux mobiles amenaient les bras de Nico au-dessus de la fosse pour une immense étreinte, second degré quand tu nous tiens. Une anecdote intéressante à propos du Black City Tour : lors de la toute première date de la tournée, à Nancy le 21 février 2013, une outro inédite du morceau reprend l’air principal et invite le public à le fredonner une ultime fois. Effet garanti et pourtant, cette idée ne sera étrangement jamais reprise pour les dates suivantes. Mais des idées Indo n’en manque jamais pour introduire son personnage délirant, jusqu’aux confins d’une galaxie quand le 13 Tour propulse le public jusque dans le cœur d’un astre solaire ! Le Stade de France 2014 quant à lui embrase littéralement l’enceinte et c’est bien sûr le final du concert, ce qui n’est pas plus mal car c’est bien la chanson par laquelle tout a commencé et tout s’arrêtera. Moins spectaculaire mais tout aussi astucieux, le Central Tour passe en revue sur son immense citerne quarante ans de singles sous forme de panneaux entourés de néons éclairant les tours d’une cité cyberpunk avant de s’arrêter sur l’illustre pochette rouge de 1982. Tout ceci sur des trouvailles musicales qui savent faire monter la pression, une discipline que l’on sait sans secret pour un artisan comme oLi dE SaT. Si elle n’est pas aussi dansante que les plus entraînantes 3 Nuits, elle se défend néanmoins par sa puissance implacable, son habile grandiloquence et son absence totale de temps mort. Ces deux titres cultes, enfin, partagent cette rare qualité que celle de l’intemporalité tant les années ne parviennent à avoir raison d’elles. Vingt plus tard après Indo Live L’Aventurier est toujours le grand final de tous les concerts d’Indochine, inflexible et indomptable. La marque des grands héros !
Le CD single promo a été distribué aux médias un mois avant Indo Live, en octobre 97. L’éditeur est Une Musique, le label musical de TF1. Contrairement à la majorité des CD de ce type, traditionnellement mono-titres, cet extrait du concert s’étend à trois morceaux : L’Aventurier, Echo-Ruby et Monte Cristo. Ce dernier, un titre originellement de 1985, mérite fort bien sa place ici : l’effet décapant de trompette imitée par Jean-Pierre Pilot est irrésistible !
L’article est sympa
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