Enfer ou paradis

Après l’élaboration d’un album fondé par un nouveau tandem créatif, une série de collaborations avec autant d’anecdotes à raconter, une diffusion radio explosive de J’ai Demandé à la Lune, plus d’un million de single vendus, un million et demi d’albums, un retour médiatique sans précédent, le tournage de cinq clips, une tournée en trois actes, près de quatre-vingt concerts dont un Bercy devenu historique, le X-Festival, les deux concerts en une journée pour la promotion de 3.6.3 et un retour à Bercy pour Europe 2 live, Indochine met finalement un terme à l’ère Paradize. On est en 2004, et on fait le bilan de trois ans de folie, presque d’opulence, en se disant qu’un tout dernier petit single promo bouclerait bien tout ça.

 

Popstitute devient donc le huitième single de Paradize, un record absolu pour Indochine et peut-être pour bien plus. Il ne s’agit toutefois pas d’un single classique, puisque Popstitute marche sur les pas d’Electrastar dans la discipline consistant à promouvoir un live et non un album studio, même si les deux sont intimement liés. Popstitute revêt donc entièrement les couleurs de 3.6.3 et c’est sa version live qui est mise en avant, mais intéressons-nous à l’essence même de la chanson.

Il fallait bien que Popstitute sorte un jour ou l’autre en single. Pourquoi ? Parce que selon Nicola, cette « chanson-pute » est la représentation de la chanson commerciale par excellence, calibrée pour une diffusion massive à la radio avec le confort financier qui s’ensuit. C’est Indochine dans ce qu’il aurait pu faire de pire, mais l’aveu fait plutôt passer le titre pour une parodie du système, alors qu’ironiquement c’est J’ai Demandé à la Lune qui en subira (véritablement cette fois) la réputation ! Malgré l’idée de départ Popstitute demeure du 100% Indochine, autant dans sa musique signée par tous les membres du groupe que par les paroles versant dans la révolte adolescente. Ces dernières parleront naturellement aux nouveaux jeunes fans d’Indo, les petits nouveaux arrivants comme la génération Wax/Paradize incomprise au regard d’une société trop enclavée dans des préconceptions scolaires, médiatiques et sociales. On apprécie l’évolution du texte, passant de la première personne du single dans le premier couplet au pluriel dans le second, mêlant les états d’âme de son auteur à ceux de son public qui ont moins de la moitié de son âge. Plus que jamais Indo demeure fidèle à ce qu’il est, plus rude dans sa musique mais toujours en phase avec sa parole et son vécu. Ajoutez à la pertinence du sujet la musique entraînante et c’est parti pour une longue série de prestations live où la chanson trouve naturellement sa place, avec une présence notable dans le medley d’Alice & June Tour où le piano de Stef II vient lui grignoter les dernières secondes. Au Meteor Tour, le pont devient un moment fédérateur où Nicola hèle le public de part et d’autres de la salle, et plus encore du Stade de France que la captation immortalisera avec brio en 2010. Puissant et emmené par une allégresse à toute épreuve, ce passage conclut brillamment la première partie du concert avec la panache que l’on connaît d’Indo.

 

Alors Enfer ou Paradis ? Telle la fin ouverte d’une histoire qui achève son récit, Indo pousse une interrogation qui ne peut être tranchée, puisque toutes les réponses sont bonnes. Elles reviennent toujours à interpréter ce qu’est Indochine, ce qui ne peut se faire en toute conscience qu’en admettant que la vérité est toujours un peu plus loin, plus inaccessible, plus omnisciente et par conséquent ne donne jamais lieu à une véracité du propos. Expliquer ce qu’est Indochine ne sera à jamais qu’en exprimer un point de vue et clamer en détenir les clés sera toujours une controverse. Nicola lui-même, tout gardien du temple qu’il est, a produit une œuvre tentaculaire et complexe au point qu’elle doit bien lui échapper aussi parfois, quand bien la même la cohérence est toujours sauve car les bases sont solides et entretenues au fil des décennies par la force du talent. Comme si c’était écrit, que ça ne pouvait pas mourir, parce que les graines du génie ont germé et sa floraison est si luxuriante qu’elle ne peut pas faillir. Ses éclats ne cessent jamais de briller, et emportent toutes les générations dans son sillage, et en poursuivant son écriture l’histoire en emportera encore bien d’autres. Et du jardin paradisiaque où nous invite Indochine, les germes rouges sortent de terre comme irriguées par le Styx et son flot sans début ni fin. Mais à un moment précis de son écoulement, il y a nous, vivants, et prêts à en découdre.

CD single promo

Comme Electrastar avec qui il constitue une sorte de diptyque, Popstitute a été distribué sous la forme d’un single tout en rouge et noir, couleurs de l’habillage scénique de Paradize. Et toujours comme Electrastar, on y trouve la version live puis studio pour goûter toutes les facettes de ce titre flamboyant.