Jeunesse culminante
C’est en 1986 qu’Indochine vit sa première très grosse tournée, portée par le succès de 3. Avec pas moins de quatre tubes, ce troisième volet est déjà rentré dans la mémoire collective, et si l’on y ajoute L’Aventurier et les succès du Péril Jaune, il y a de quoi établir une setlist en béton pour les concerts ! Indo les enchaîne un peu partout en France sous le sobre nom « Indochine Joue… » en réaction aux reproches selon lesquels le groupe ne jurerait que par le play-back, et la tournée devait avoir pour point d’orgue une date au zénith de Paris. Le succès est tel que ce ne sera pas un concert qui sera fait, mais deux… puis trois… puis quatre ! Du 24 au 27 mars. Un succès fou qui se devait bien d’être enregistré dans une captation complète.
Première grosse tournée, et premier album live, donc. De quoi témoigner de la folie de l’époque, de l’énergie déployée et de la pertinence de plus en plus probante des créations du groupe. Car la scène constitue l’étape finale de la création d’une chanson, quand elle passe d’une main créatrice à une interprétation devant des milliers de personnes, surtout quand elle est acclamée par un public conquis. Autant dire que L’Aventurier est largement reconnue, depuis le temps qu’elle passe sur toutes les scènes !
Déjà à l’époque Indo faisait le jeu des intros travaillées, dans une moindre mesure qu’aujourd’hui évidemment. Mais tout de même, cette ouverture de concert sur la BO du film La Conquête de l’Ouest est atypique, et fonctionne à merveille quand il est enchaîné par A L’Assaut (Des Ombres sur l’o) dans une version survoltée. Les percussions d’Arnaud Devos sont stupéfiantes, d’une vélocité sans commune mesure, avant que les guitares de Dominik imposent leurs mesures. Voilà une intro qui donne le ton, et qui ne ment pas sur le contenu du concert, plein d’énergie et de fraîcheur, à l’image de la jeune carrière d’Indo. Le groupe prouve qu’il est créatif, et pas seulement pour les albums.
Les titres s’enchaînent, les succès radio comme les autres. Miss Paramount, Trois Nuits par Semaine, Kao Bang, Canary Bay… Ce live est l’occasion d’entendre, pour de jeunes oreilles, ces anciennes chansons dans un rendu live plus fidèle à la version originale, avant d’être amputées pour rentrer dans les medleys ou les sets acoustiques des concerts modernes. Voire carrément les entendre tout court, comme A L’Est de Java et L’Opportuniste, absent des setlists des années 2000. Mais malgré les inévitables altérations du temps, certaines coutumes indochinoises existaient déjà à l’époque, comme des valeurs qu’Indo a toujours véhiculées en dépit du temps qui passe. Ainsi 3ème Sexe était déjà introduit par un message de tolérance, L’Aventurier avait déjà son intro mythique, et Tes Yeux Noirs n’a jamais vraiment changé. Comme aucune chanson, en fin de compte. La forme a changé, mais pas le fond, pas le sens des chansons ni celui des concerts. Le groupe et son public étaient déjà très liés dans cette grand-messe indochinoise. Et les gamines criaient déjà plus fort que les guitares.

Pour immortaliser ce concert culte, K7, LP et CD sont déployés aux côtés de ceux de l’album 3, toujours activement en vente. Les supports se distinguent par une différence notable : le tracklist, qui varie selon les supports. Concrètement, la cassette audio et le CD ajoutent A L’Est de Java et surtout Tes Yeux Noirs en guise de « titres bonus » par rapport au vinyle. La VHS, support vidéo du concert, ajoute à son tour Hors-La-Loi, ce qui fait de son contenu le plus complet de tous. Quoi qu’il en soit tous ces supports sont loin de reprendre fidèlement le déroulé de ces concerts, en témoigne l’absence de nombreux titres joués et non captés et même l’ordre d’apparition de ceux-ci. L’absence d’édition DVD rend difficile le visionnage du live dans de bonnes conditions, à moins que la qualité Youtube ne vous effraie pas.