Ciel de feu
Troisième single extrait de Dancetaria, Atomic Sky est l’une des ultimes compositions de Stéphane faites pour Indochine. Il est curieux de voir comme ses dernières chansons prennent une tournure grave, alors qu’en dépit de sa maladie rien ne prévoyait une mort prochaine. Comme s’il savait. Et cette tonalité a dirigé l’album malgré la diversité des thèmes abordés tout le long de Dancetaria. Le cap de l’an 2000 vient tout juste d’être franchi et Nicola le passe seul, les yeux levés vers le ciel.
Comme pour She Night, l’on a vite assimilé Atomic Sky à un hommage pour Stéphane. Mais les paroles ont été écrites avant sa mort. Et comme pour une bonne partie des chansons de Dancetaria, Nicola les a d’abord écrites en pensant à Gwen. D’où ce questionnement intéressant que l’on retire de cette époque si particulière pour Nicola : où se trouve la ligne entre l’amour pour un frère et celui pour une fille ? La question s’est encore posée quatorze ans plus tard, lors de la découverte des paroles de Memoria ! Comme quoi l’histoire est un éternel recommencement… Le texte d’Atomic Sky est proprement superbe, sans poésie enlevée, sans fioritures, juste composé de sentiments brièvement décrits. Des lignes courtes mais sincères, et ces quelques mots sont suffisants, ils en disent assez long. Car les gens s’y retrouvent, s’identifient aux émotions suscitées, et se les approprient. C’est une méthode presque religieuse avec de nouveaux codes qui s’établissent, et à ce niveau Atomic Sky est le début d’une longue liste qui amènera l’Indochine des années 2000 à donner naissance à beaucoup de textes à la teneur similaire. Cela a contribué à sa nouvelle identité, propre à donner aux futurs concerts une allure de messe.
La musique tourne autour d’un gimmick simple mais déjà plein de sens, que l’histoire finira d’accomplir. Chose rare chez Indochine, la structure est très classique, la plus utilisée dans la chanson française avec l’alternance couplet/refrain, pont puis refrain répété plusieurs fois. Classique comme les choix des instruments, d’ailleurs. Mais la mélodie est si éloquente qu’Atomic Sky y a mis tout son sel, avec une mention spéciale au pont avant le dernier refrain que j’aime particulièrement. Riche d’une aura méditative et d’un appel au ciel comme pour recevoir sa bénédiction, elle semble constituer ce besoin d’apaisement après le deuil, l’acceptation de la mort d’un être cher pour ceux qui sont encore vivants.
Bien qu’un single soit sorti il n’existe pas de clip pour Atomic Sky, les prestations live sont cependant très parlantes à propos de ce que peut inspirer cette chanson. Lors du Dancetaria tour, des images du ciel, de paysages sauvages et de gratte-ciels investissaient l’écran de la scène, témoignant de ce besoin d’espace auquel Nicola pensait quand il a écrit les paroles. En live, elle est habituellement précédée d’une partie au clavier avec une mélodie plutôt insolite pour introduire la chanson, mais abandonnée depuis. Au Meteor Tour, c’était un piano-voix, trop émouvant pour que Nico parvienne à finir la chanson lors du concert au Stade de France, en 2010. A partir du Black City Tour 3, la chanson revient dans une forme électronique, à nouveau jouée au Stade d’ailleurs. Quelques années plus tard encore, une certaine Black Sky issue du treizième album ressassera de nouveau cet irrépressible besoin d’espace devant l’étouffante actualité d’un monde en perdition.
Particularité de ce single, il n’a été distribué qu’en Belgique, le 8 mai 2000 pour être précis. On y trouve en plus de la chanson version album deux remixes. Le premier plutôt imposant varie les sons selon qu’il s’agisse du couplet, du refrain ou du final, où la batterie intervient tardivement. Un très bon remix qui ajoute une belle palette de couleurs à la chanson, tandis que le second opte à l’inverse pour un son plus monochrome avec un arrière-plan électro et une voix plus fantomatique.
