Death Express

Fin 2013, entre l’acte 2 et 3 du Black City Tour, les spéculations vont bon train concernant le choix du quatrième single. Les pressentis sont Le Fond de l’Air est Rouge, Belfast et Traffic Girl. Le dernier se présentait comme le plus probable, car des articles de presse mentionnaient son nom dans le programme prévisionnel de l’album, mais c’est finalement l’électrisant Belfast qui succédera au single Black City Parade. Retour sur une chanson qui revêt sans qu’on ait pu le soupçonner de prime abord plusieurs hommages.

Les paroles de Belfast sont nées de l’admiration de Nicola pour la poétesse américaine Sylvia Plath. Née en 1932 à Boston, elle se fait connaître de ses poésies, ses livres pour enfant ou bien encore d’un roman, la Cloche de détresse. Artiste reconnue en son époque, elle est aux yeux des féministes un emblème de la dénonciation d’une société inégalitaire, mais c’est également une femme psychologiquement fragile et soumise à de sévères dépressions, ce qui transparaît dans tous les sens de son écriture. Elle se donne la mort un matin d’hiver en 1963 dans une maison londonienne, peu après avoir découvert que son mari la trompait. Elle écrivait alors le recueil de poésies Ariel, œuvre qui s’imprime dans l’esprit de Nicola quand il écrit les paroles dédiées à cette artiste au destin tragique. La voix dans l’intro de la chanson récite d’ailleurs le poème éponyme du recueil.

La musique, composée par le trio Nicola/Oli/Marco, verse dans de l’électro-pop moderne qui peut surprendre au regard du sujet évoqué, mais l’association fonctionne. Montée sur des accords relativement simples, c’est dans la nervosité de la production sonore et l’énergie parfaitement maîtrisée du morceau que l’on trouve ses qualités. Les remixes présents sur le CD sont cette fois familiaux puisque seuls Nico et Oli sont intervenus dessus. Ceux-ci exploitent ces qualités pour deux versions alternatives qui se complètent l’une l’autre, avec celle d’Oli qui s’avère d’une production fluide, aérienne et lumineuse, presque phosphorescente dans le ressenti qu’elle dégage, tandis que la version Nico culbute sur des beat rythmiques au style monocorde. Ils témoignent par ailleurs de l’évolution musicale du groupe en cette décennie 2010 qui rompt définitivement avec la précédente, y compris avec La République des Meteors dont la tessiture plus acoustique semble loin sous les néons verdâtres de ce Belfast résolument urbain.

Quant au clip, Indo a fait un choix encore assez inédit de mélanger des images des concerts du Black City Tour 2 avec des vidéos usées par le temps qui se superposent. D’aucuns auraient pu reprocher à Indo un manque d’investissement pour produire une vidéo scénarisée à part entière, mais on oublie vite le raccourci emprunté tant le résultat est satisfaisant. A l’image du morceau, le montage est incroyablement dynamique avec le mixage des passages forts des concerts en zénith qui ont sillonné la France, la Belgique et la Suisse le long de l’automne 2013. La musique est celle enregistrée en studio mais des effets live s’ajoutent ici et là pour renforcer l’immersion. Comme une sorte d’hommage parallèle, le clip s’applique aussi à démontrer le lien fort qui relie le public au groupe avec cette proximité et cette énergie qui caractérisent les concerts d’Indochine… idéal pour convaincre des sceptiques et aider le Stade à se remplir par la même occasion ! En tout cas Belfast réussit son entrée dans la longue lignée des singles d’Indochine, et si l’on peut éventuellement leur reprocher de ne pas avoir conçu un clip plus imaginatif, il est admis que la vidéo est efficace et puis, le Black City Tour méritait bien ça. Moment puissant dans la première partie des concerts, Belfast laissera sa place à ce qu’on pourrait considérer son équivalent Station 13 pour la tournée suivante bien que le premier couplet/refrain s’invitera dans le medley des deux concerts à Lille en 2019. L’année suivante, la version single intègre les Singles Collection et en tire un nouveau mixage qui rend davantage justice au morceau. La différence en est flagrante, surtout dans les refrains, pour le coup totalement boostés aux hormones ! A écouter, la différence est flagrante et on en regrette que ce mix ne s’étende pas à la version intégrale.

Indo aime les trilogies. Belfast est la troisième partie d’un rituel initié par College Boy, puisqu’il sort également en Maxi CD et 45 tours. Mais cette troisième occurrence présente quelques petites nouveautés : d’abord le CD est blanc, alors que les précédents arboraient systématiquement une couche noire (anticipation des Black City Concerts?) et la présence inattendue d’un remix de Traffic Girl s’invite dans le tracklist. Il s’agit en fait du Pop Mix à l’origine de la version single de Traffic Girl, qui sortira quelques mois plus tard en téléchargement légal. Egalement dispo sur le Maxi le radio edit de Belfast ainsi que la version instrumentale du Berlin Mix de Nicola, en piste cachée.
Autre exception propre à Belfast, le single revient enfin dans un promo traditionnel en pochette et disque pressés comme il ne s’était plus fait depuis Un Ange à ma Table.

Supports