Marins et dauphins

Je N’Embrasse Pas est une chanson autant discrète par le peu de bruit qu’elle a suscité que par la rareté de son single, ce qui rend le choix opéré encore plus déroutant. Pouvait-on raisonnablement penser qu’elle marcherait en radio, après l’échec de Drugstar et en présence de Satellite qui avait nettement plus de potentiel à ce niveau, sans compter l’absence de clip ou de manière générale l’absence de médiatisation de Wax ? L’histoire a été faite ainsi et rien ne pourra le changer, et puis c’est une bonne opportunité de s’intéresser à cette chanson.

Les frères Sirkis

Peut-être est-ce un choix de résignation, puisque quitte à ce que l’album ne reçoive aucune promotion, autant profiter du vide médiatique pour sortir une chanson en single qui n’en aurait jamais eu la chance autrement. Il faut dire que la musique est plutôt passive, et laisse le premier plan aux paroles qui ont bénéficié d’un soin particulier. Nicola y pose un environnement portuaire et une histoire influencés par le film Querelle de Brest, où il imagine un jeune clandestin la tête pleine de rêves qui voyage dissimulé dans la cale d’un bateau, vendant son corps auprès d’un marin qui le cache en échange de ses services. Le titre de la chanson fait indirectement référence à la prostitution, ici romancée par la touche d’évasion et d’espoir que suscitent les ports de la côte atlantique, les phares et les rivages. Voilà un beau texte qui fait honneur à Wax, album centré sur l’adolescence et la découverte du sexe auquel cette chanson apporte sa propre vision.

Je dis plus haut que la musique est passive, mais elle n’est pas mauvaise, très loin de là ! C’est un morceau apaisé, posé sur des guitares acoustiques très présentes sur les couplets puis électriques sur les refrains à la tonalité plus grave. L’apport des voix féminines apporte une douceur et une légèreté bienvenues avant que le rythme ne s’électrise plus loin. Peu importe où l’on se situe, l’écriture maîtrisée de ce titre nous emmène dans son sillage, paisiblement, mais non sans un certain dépit. Un jeu de nuance admirablement mené à tous les instants. Le titre s’appréciera surtout dans sa version studio, et sur l’album plutôt que la version raccourcie du single. Ses quelques passages live demeurent cependant un moment appréciable. Sa forme se prête bien sûr au format des concerts acoustiques des Nuits Intimes, mais une version se démarque quand en 2004 pour la promo de 3.6.3, le groupe joue le morceau à Bruxelles puis à Paris à la demande du public ! La chanson est donc plus populaire qu’elle n’y paraît, et les doigts en or d’Oli font des miracles sur les élégantes chansons des années 90 d’Indo en matière d’arrangement. La crème de la crème !

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CD single promo et commercial

C’est un cas de figure qui ne se présente pas souvent. Le single, sorti le 17 janvier 1997, a été distribué en si peu d’exemplaires que même son homologue promotionnel adressé aux médias est plus courant, beaucoup plus même ! Sinon les deux singles sont identiques, avec les frères Sirkis qui s’attribuent chacun le recto et le verso de la pochette, mais le promo se distingue par une ouverture par le haut, une absence de code-barres et surtout, par un remix très nineties de Drugstar seulement dispo sur le single commercial. Difficile de s’étendre sur ce remix plutôt de mauvais goût effectué par EDD-Man, qui s’efforce de donner une version dance de la chanson en samplant le mot « danser » chanté par Nicola dans le vers « et danser sur le lit qui est assez grand » pour faire répéter « Danse, danse, danse » de part et d’autres du remix. Damned, je me suis étendu…