Poupées de chair

En mai 2014, le Black City Tour est théoriquement bientôt terminé. Mais Nicola veut prouver que l’album en a encore dans le ventre et sort un cinquième single, Traffic Girl. Un choix logique tant cette chanson a été symbolique durant l’ère Black City Parade, ne serait-ce qu’au Stade de France où de gigantesques poupées gonflables ont été dressées un peu partout sur la pelouse. Mais surtout, Traffic Girl est systématiquement jouée en concert depuis le début du BCT et occasionne à chacune de ses interprétations un jet de confettis qui inondent la salle de concert. Enfin l’originalité du sujet méritait bien une mise en avant médiatique.

Pour promouvoir la chanson, Indochine l’interprète en live au studio en plein air du Grand Journal, à Cannes. Comme un avant-goût du clip, une actrice est venue spécialement à cette occasion pour jouer la policière nord-coréenne, effectuant une chorégraphie sur le plateau pendant que le groupe joue derrière elle. Une mise en scène originale pour un texte finalement assez grave, où Nicola chante la douleur éprouvée par ces filles-fonctionnaires de Corée du Nord qui passent la journée sous une chaleur écrasante à réguler un trafic urbain fantôme. Un travail pénible, inutile et absurde, pour servir un pays dictatorial qui ne jure que par son image d’autorité aux yeux du monde. C’est Lescop, l’ex-chanteur du groupe Asyl, qui a écrit les paroles, et a su trouver le texte idéal. Les paroles sont très justes, décrivant aussi bien le décor dans lequel la chanson prend place que la douleur intérieure et extérieure de la Traffic Girl, dont le chant exprime une totale empathie.

Et il n’y a pas que le texte qui est bon. La musique tourne autour d’un gimmick signé Oli placé entre chaque couplet, tandis que Nicola chante de manière toujours plus grave (ou aiguë, techniquement parlant) à mesure que la chanson progresse. D’abord il constate, puis s’insurge devant le non-sens auquel il assiste avant de lancer un appel pour mettre fin à cette aberration. La musique intense couplée à cet appel donne un résultat grisant qui a toujours fait son petit effet, en début de concert. L’intro nous emmène immédiatement en Corée du Nord avec le générique du journal télévisé local et la prise de parole de la présentatrice, une intro fort originale qui disparaît néanmoins complètement dans la version single, au profit d’un nouveau mix beaucoup plus adapté à une diffusion radio. Ce Pop Mix confectionné par Nicola est plutôt réussi, moins dense que la version album mais plus propre et pêchu, ce qui lui confère un agréable second souffle.

Le clip a par contre laissé le public perplexe. Des trafic girl effectuent une chorégraphie minimaliste sur un fond en image de synthèse, ce qui donne un ensemble froid et kitsch. Mais la mise en scène demeure intéressante avec une abondance de gros plans dépeignant avec insistance le décalage entre la grâce de ces filles et leur navrante fonction de feu rouge ambulant. Avec le temps cette vidéo devrait même gagner un certain charme, comme pour les clips des débuts.

Et le clip garde le mérite d’avoir été travaillé, contrairement à la pochette qui se contente du strict minimum : la ville noire de Black City Parade avec le titre de la chanson affichée en rouge. C’est tout ! Alors que le sujet donnait matière à un joli visuel, comme la photo de la traffic girl visible dans le livret de l’album. Choix inattendu donc alors que l’on aurait une fois mais pas coutume préféré le choix de la facilité !

Heureusement ce visuel fort pauvre ne sera affiché sur aucun support puisque la chanson n’est pas sortie en Maxi CD contrairement à College Boy, BCP et Belfast. Elle est par contre téléchargeable dans sa version Pop Mix, également dispo sur le Maxi CD de Belfast dans une version quasi-identique.

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