Hymne à l’amour

J’aurais pu me contenter de parler de ce titre dans l’article consacré à 3ème Sexe, puisqu’après tout il ne s’agit « que de sa face B », mais ce serait survoler cet hymne à la concurrence malmenée qui traverse les décennies depuis son existence en 1985. Car plus que L’Aventurier, plus que 3ème Sexe ou autre standard du groupe, s’il y a bien un seul et unique titre qu’Indochine joue inlassablement, quels que soient les concerts, leur format, leur durée et leur contexte, s’il n’y a qu’un seul titre pour outrepasser toutes les considérations et trôner loin en haut en transcendant tout ce qu’il croise dans son passage, c’est bien 3 Nuits par Semaine !

Intouchable, indomptable, et surtout indémodable, c’est l’un des plus grands regrets de l’histoire d’Indochine d’avoir institué à ce chef-d’œuvre de la new wave la place fatidique de face B ! Une place d’honneur pour bien des chansons qui resteraient autrement dans l’ordre, mais un gâchis pour 3 Nuits qui l’aura en conséquence privé de son propre single et surtout d’un clip alors que son potentiel s’étendait à l’infini. Seul avantage, les fans de l’époque se procuraient deux grands tubes d’Indo pour le prix d’un ! Et qu’importe ce travers de l’histoire, les nombreux feux verts allumés pour le groupe dans la période de 3 permettront au potentiel du titre de bien s’exprimer et de faire son effet sur le public : c’est un succès immédiat ! Aussi fédérateur qu’un 3ème Sexe, aussi puissant qu’un Aventurier et aussi romantique qu’un Tes Yeux Noirs, 3 Nuits par Semaine combine toutes les qualités possibles et imaginables que le groupe puisse offrir à ce point de leur carrière. Le refrain est imparable, extensible à l’infini, porté par la mélodie enflammée de Dominik et à l’instar de Bob Morane, les couplets sont loin d’être en reste. Ils ne se contentent pas de servir le refrain, non, ils complètent réellement la chanson avec un air survolté. Alors est-ce si parfait ? A chacun d’en juger, mais l’aura entourant cette chanson semble incontesté, comme un bon film qui aurait acquis au gré des générations une sorte de carapace impénétrable. Survivre aux générations qui elles se succèdent est devenu un luxe que peu d’œuvres contemporaines parviennent à se payer. On se repasse alors les classiques, disons même les standards, moins pour l’envie de se borner aux années 80 que pour célébrer l’immortalité de la musique.

Un succès, c’est aussi un texte qui s’adresse au public. Celui de 3 Nuits est directement inspiré de L’Amant, le roman de Marguerite Duras sorti l’année précédente. La scène sulfureuse de l’initiation du sexe à une jeune fille a donné naissance à ses paroles démonstratives, sans jamais tomber dans l’inélégance et la vulgarité tout en retranscrivant fidèlement l’intensité de l’instant. 3 Nuits fait partie de ces titres d’Indo au refrain simplement écrits, juste quelques mots plaqués sur des accords, mais des mots justes, ceux qui trouvent écho aux notes de Dominik et résonnent en harmonie. Et cette musique virtuose permet à ce titre délicieusement new wave de côtoyer les mêmes cimes que L’Aventurier, avec son refrain éclatant que tous les concerts d’Indochine s’offrent immanquablement dans leur setlist. Ce titre deviendra vite un inconditionnel, épousant le style de chaque nouvel album dans son interprétation tournée après tournée ; un bon exemple est le passage entre Un Jour dans notre Vie et Wax, où à l’intro de 3 Nuits l’on reconnaît ce passage entre le style pop/rock synthé assez propre au son plus brut et délivré entendu sur le Wax Tour. Paradize impose bien sûr sa touche plus sombre et sableuse, très différente des versions entendues jusqu’alors. Après son rugissant passage au Stade de France en 2010, le titre revient davantage sur ses fondamentaux new wave sur le Black City Tour avec un prélude devenu discipline adulée par Nicola. C’est bien là le temps de se préparer avant de se jeter dans l’arène, littéralement, car depuis Paradize +10 le bougre s’immerge dans la foule pour échanger des vocalises. Car à mesure où l’on progresse dans les tournées, 3 Nuits par Semaine s’enrichit de phases instrumentales plus longues où un échange de vocalises embrase le public, quitte à étendre artificiellement le titre. Le Stade de France 2014 battra tous les records à ce niveau, puisque Nicola ira à l’autre bout du stade pour se faire montrer de près au public le plus éloigné de la scène, nécessitant carrément un voyage en véhicule pour traverser l’infrastructure. Ces deux jours là, la chanson durera quinze minutes. Certes c’est long, mais l’effet est incontournable, il suffit de constater comme la « cathédrale » emmène très haut l’ambiance du concert. Nicola conservera cette habitude qui n’en finira plus d’étendre 3 Nuits par Semaine, et ce même quand il n’y a pas de public lors des prestations médias promouvant les 40 ans du groupe. Après tout, un hymne n’est pas qu’immortel, il est sans concessions.

Quand on appartient au panthéon, on se doit d’avoir un support physique digne de ce nom… et pourtant il faudra se contenter de figurer en face B ! 3 Nuits suit donc docilement le chemin emprunté par 3ème Sexe dans les versions étirées du Maxi 45 Tours auxquelles s’ajoutent les innombrables versions live empilées depuis sa création. Cela pourrait être trop, mais on n’en a jamais assez.