A la conquête de l’Ouest

C’est le début pour Indochine d’une habitude prise par les maisons de disques. A chaque sortie de live un single est extrait, comme c’était déjà le cas pour les albums studio. Ma foi pourquoi pas, l’intérêt promotionnel est certain et quand la chanson choisie a un meilleur rendu live que l’original, c’est une opportunité qu’il serait regrettable de laisser passer. Et c’est bien le cas pour A L’Assaut, épopée héroïque qui mène tambour battant les quatre boys vers la gloire et ses griffes acérées.

Car ce qu’on aime chez A L’Assaut, c’est son message avant-gardiste, déguisé en charge héroïque qui fait passer le texte pour un simple récit de fiction, ce qui vaut d’ailleurs d’être un régal quand on le chante. Mais quand on le lit entre les lignes, on y voit la défiance vis-à-vis d’un système impitoyable que l’on reconnaît à travers ces ombres qui « voulaient les submerger, et c’est à tire de revanche qu’ils -Indo- continuèrent à avancer ». Procédé métaphorique d’un système qui les avalerait bien tout crus s’ils ne prenaient pas garde. De même qu’on y voit une anticipation des futures années 90, calamité médiatique dont le revers avait déjà été imaginé par Nicola. La musique de Dom s’attelle toujours à donner à Indochine une énergie implacable qui ne les quittera jamais, orchestrant ici une cavalcade sans retenue magnifiée par les percussions d’Arnaud Devos et la guitare du compositeur érigée en source intarissable d’ondes positives. Cette impressionnante démonstration profite à l’identité musicale du groupe autant qu’il assoit sa réputation en tant qu’artiste de scène, d’où l’intérêt du single live. Elle rappelle à quel point Indochine est un groupe de scène où son énergie physique et spirituelle constitue sa raison d’être, surtout mêlée à celle d’un public qui répond à tous ses appels.

Pour écrire ce texte, son auteur a eu recours à la même méthode que pour L’Aventurier, un simple système de découpage et un assemblage de mots ou d’ensemble de mots qui ensuite forment un texte, tel Au cœur du temps du nom d’une ancienne série TV. Mais A L’Assaut a tout de même gagné en qualité de prose, signe de maturité d’un artiste qui s’enrichit années après années de nouvelles lectures, dont Marguerite Duras pour ne citer qu’elle. La musique est bien sûr signée Dom, qui gratifie la chanson d’une superbe mélodie-voix. Si bien qu’elle sera mise en valeur par une très belle version acoustique lors de la période des Nuits Intimes en 2000. Ecartée du tracklist du CD officiel de la tournée, la piste est néanmoins disponible sur le CD sampler du magazine Rock Sound n° 88 (février 2001). Après une apparition dans le medley du Paradize Tour, la chanson ne sera plus interprétée avant le Black City Tour 2 en 2013, où l’on retrouve sa forme acoustique imaginée 14 ans plus tôt. Plus inattendu, le titre fait un retour fracassant sur les dates du 13 Tour, profitant du thème des drapeaux de l’album pour les planter sur « l’horizon » et s’offrant par là même une reconstitution fidèle de la version jouée en 1986 ! Fidèle jusqu’au jeu de percussion d’Arnaud Devos, pour mieux restituer une vieille tournée qui fait refleurir une époque dans laquelle elle était durablement ancrée.

Le 45 tours est dit tirage limité, promotionnel même, mais on le trouve très facilement sur les marchés d’occasion. Il existe par contre un vrai promo, reconnaissable à la pochette qui reprend celle de l’album live Au Zénith. Les intros des deux chansons (L’Opportuniste constituant la face B) ont été coupées par rapport à l’album, ce qui est particulièrement regrettable pour la face A où l’on prive l’auditeur de l’épique ouverture du film de 1962 How The West Was Won, fameux long-métrage historique prenant place dans les canyons de l’Ouest américain. Ce morceau orchestral d’Alfred Newman ne pouvait être mieux choisi pour conter l’aventure indochinoise que l’on sait tant turbulente dans les années 80.