Rendez-vous nocturnes

En plein Dancetaria Tour, Nicola décide d’organiser un concert dédié à Stéphane, qui aura lieu un an jour pour jour après sa mort. C’est chose faite avec le Stef concert, une mini-date où seul le noyau dur des fans d’Indochine est convié, le 27 février 2000, dans une petite salle de concert à la Maroquinerie à Paris. Tous les morceaux qu’il a composés y sont joués dans une formule intégralement acoustique. Cette date fera sensation au point d’être archivée sur le DVD des Divisions de la Joie via un enregistrement certes sommaire mais authentique et complet. La formule plaît au groupe qui voit là une nouvelle façon d’exploiter son répertoire, et l’idée fera son bout de chemin les mois suivants en intégrant trois dates à Bruxelles baptisées les Nuits Intimes, en plein Dancetaria Tour 2000 ! Une seconde tournée prend forme, en alternance avec la première, obligeant le groupe à répéter deux setlists différentes. La tournée des Nuits Intimes sillonne à son tour la France et la Belgique et prend fin avec trois dates à La Cigale en janvier 2001, presque un an et presque au même endroit où l’idée avait vu le jour.

Alors que le public attend un enregistrement live du Dancetaria Tour, c’est finalement Nuits Intimes qui endossera le rôle. Ce n’est pas un album studio en soi, et ce n’est pas vraiment un album live non plus, alors qu’est-ce que c’est ? Un mix des deux, tout simplement, enregistré au Studio Davout dans lequel le groupe s’enferme pendant trois jours en novembre 2000. En présence de cinquante fans, Indochine célèbre le nouveau siècle en réinventant les morceaux de ses huit albums, des standards aux raretés, qui reçoivent un traitement acoustique particulièrement soigné. Le résultat donne des trésors insoupçonnés sur cette galette composée de 17 chansons, à commencer par l’inédit Nuit Intime où les quelques secondes d’introduction au piano suffisent à donner le ton. On se sent glisser dans un lit, enveloppé par une tendresse infinie que confirme la douce Les Plus Mauvaises Nuits, posée sur les mêmes accords au piano que la précédente chanson. Le thème de la nuit est mieux que jamais interprété, c’est là où nous emmène immédiatement la voix de Nicola quand il commence à chanter. Le reste de l’album ressemble à un recueil, tout à la gloire des créations d’Indochine dont ce florilège vérifie la solidité. Parmi les plus remarquables, il y a la sensationnelle 7000 Danses, déjà somptueuse à l’origine mais cet arrangement lui confère une nouvelle aura, plus vive et dynamique, et toujours plus envoûtante. Au rang des raretés, soulignons aussi A l’Est de Java, totalement transfigurée par la batterie vaillante de Mathieu Rabaté et le piano intelligemment mené par Jean-Pierre Pilot. Même remarque pour Ce Soir, le Ciel, la chanson qui pose l’empreinte de Stéphane sur cet album.

Dans le rang des chansons plus connues, il y a Tes Yeux Noirs, infiniment délicate dans cette version très fleurie, reconnaissable au point qu’elle fera l’objet d’un single promo. Si L’Aventurier s’éclipse (pour une fois), 3 Nuits par Semaine est bien là, avec un ensemble de cordes en renfort déjà présent sur Tes Yeux Noirs. Dancetaria est évidemment mis à l’honneur avec trois titres : Atomic Sky se fait mystique, posé et quelque peu cérémonial, Juste Toi et Moi nous flatte les oreilles avec la guitare enlevée de Boris, et Stef II constitue le dansant bouquet final comme lors du Stef Concert. En guise de rappel, Punishment Park s’invite lui aussi dans la sphère Nuits Intimes dans une version tourmentée, inspirée de la Version de Nuit du single. 3ème Sexe lui succède en bonus caché, dans sa forme piano-voix souvent jouée en concert. Un titre un peu moins inédit que les autres, par le fait.

Indéniablement Nuits Intimes est d’excellente qualité : toutes les pistes sont bonnes, peu importe dans quel sens on les regarde. Les arrangements sont recherchés, remplis de bonnes idées qui émaillent tout l’album, avec de surcroît une excellente prise de son, on n’en attendait pas moins de Davout, ce studio parisien réputé à l’international qui concentre les meilleurs ingénieurs du son. Nuits Intimes est une véritable anthologie, un recueil de pépites qui, à l’heure de la renaissance médiatique du groupe, force le respect des critiques et rend encore un peu plus à Indochine le respect qui lui est dû. Il n’y a vraiment rien à lui reprocher, si ce n’est peut-être l’absence de quelques autres titres rares joués pendant la tournée comme La Chevauchée des Champs de Blé ou Révolution, mais ce serait nier que trop de chansons encombreraient l’album. Cette initiative sera réitérée sous d’autres formes par la suite, des sets acoustiques en concert bien sûr ou encore d’enregistrements pour des stations radio, un exercice dont Indo est devenu un inaltérable coutumier. Dans les essais les plus remarquables, mentionnons le concert des 40 ans du Rose Bonbon donné le 29 septembre 2021, avec un quatuor à cordes qui apporte sa touche et épouse à merveille les titres les plus tendres du groupe. Du miel pour les oreilles et un moment de délectation pour les fans assistant à la diffusion en première depuis YouTube.

Préfiguré par le single Justine, Nuits Intimes sort le 9 janvier 2001 dans un joli digipack et en K7, comme Dancetaria. Les premiers exemplaires à la FNAC étaient accompagnés par un CD-ROM comprenant une vidéo de douze minutes sur la tournée Nuits Intimes (dans une qualité qui laisse à désirer). Existe également un promo de quatre titres accompagné d’un feuillet promotionnel.