L’opulence jusqu’au matin
Wax symbolise le renouveau d’Indochine, celui sans Dominik Nicolas et donc sans l’architecte musical historique du groupe. Mais l’ex-compositeur avait cette qualité salutaire de faire évoluer son style, ainsi chaque album avait sa propre couleur et en donner une nouvelle à Wax ne paraît donc plus si difficile. Le recrutement d’Azaria et de Pilot, plus l’implication des frères Sirkis, permet de poursuivre cette qualité de composition via de nouvelles têtes talentueuses en même temps que se posent ces nouvelles griffes, et le résultat est convaincant : l’album ne dénote en rien avec ses prédécesseurs malgré sa direction artistique résolument nouvelle. En fin de compte, le renouveau viendrait plutôt de l’image et des textes. Nicola, inspiré par le film Kids de Larry Clark, veut replacer la jeunesse au centre de l’univers d’Indochine, avec une maturité (re)naissante loin des travaux avancés que représentaient par exemple 7000 Danses et Le Baiser. Remise du compteur à zéro en somme, où tout est à refaire, à redécouvrir, avec ce parfum d’insolence comme le lead single de Wax a su précisément restituer.
Drugstar se base sur une image simple mais il fallait y penser, et Nicola le raconte de façon très claire dans son texte : une bande d’ados qui retournent la maison dès que les adultes ne sont plus là pour les surveiller. C’est tout, rien de plus, et ça marche ! Tout y est, les petits anges qui promettent d’être sages pour rassurer les parents sur le premier couplet, puis l’imagination qui se met en marche dès qu’ils sont seuls dans la maison, avec un flot d’idées évidemment portées sur tout ce qui est interdit ! L’impertinence monte crescendo à la façon d’un Projet X qui fait tomber les barrières les unes après les autres, et si le pont embrasse les douces promesses du premier couplet comme quand il faut de nouveau rassurer les parents au téléphone, le dernier couplet repart de plus belle et ne connaît plus de limites en matière de bêtises. Voilà. Pas de morale, pas de réflexions existentielles, pas même d’histoire, il n’y a qu’une bande d’ados qui s’éclatent dans le salon. Et ça fait du bien ! La musique, pour la première fois entièrement composée par Nicola, va droit au but avec un titre pop-rock enjoué basé sur un gimmick reconnaissable entre mille. On pourrait sans mauvaise foi délégitimer le droit d’auteur exclusif ici quand on jette une oreille au titre Money des Flyings Lizards (1979) mais à quoi bon, la ressemblance est passée inaperçue au plus grand nombre et on ne lui en tiendra plus rigueur aujourd’hui. Nicola n’en demeure pas moins créatif et ose même ici un pont entièrement vocal, une initiative qui ne manque pas d’idées. Dimitri Bodianski est même invité à poser quelques notes de saxophone idéalement placés sur le dernier rush, donnant au morceau un bel aboutissement instrumental.
C’est le genre de cas où le clip n’a rien besoin d’ajouter sinon l’image physique, car tout le reste y est : les gosses et le salon qui finit mal ! Réalisée par Yannick Saillet, la vidéo met en scène la pseudo-innocence de la bande d’ados qui laissent rapidement libre cours à leurs fantaisies. Les frères Sirkis se trouvent quant à eux dans la salle de bain, avec Nico qui se terre dans une baignoire et Stef jouant de la guitare avec la désinvolture qu’on lui connaît. C’est ici la première apparition de Gwen (dont on ne s’étonnera pas qu’elle ait plu à Nicola, cf Tes Yeux Noirs!) et la bande d’adolescents qui l’entoure sont aussi ses amis dans la vie. Une nouvelle mouvance émerge alors, avec ces jeunes fans de groupes anglais comme Blur ou Suede, et c’est ce dans quoi baigne Wax et vers quoi Nicola veut emmener le groupe.
Jouée très régulièrement sur le Wax et le Dancetaria Tour, Drugstar est bien souvent l’occasion d’inviter Dimitri sur scène pour les parties au saxophone, à la plus grande joie des fans qui se rappellent les bons souvenirs de la première décennie du groupe. C’est pourtant sur Tes Yeux Noirs qu’il reviendra sur la scène du Stade de France, en 2010 sur le Meteor Tour. C’est d’ailleurs au cours de cette tournée que Drugstar fait un retour fracassant dans la setlist, avec un arrangement rock implacable comme seul oLi De SaT en a le secret. Il faudra ensuite attendre le Central Club en 2022 pour entendre résonner dans les Stades de France ces tours de batterie bien identifiables et un retour plus pop de ce single qui a su trouver une place dans le cœur des fans, jeunes dans leur âge comme ceux qui le sont plus ou moins restés malgré le passage des années.
Disons-le en toute franchise : Drugstar est un single resté obscur à presque tous les niveaux, et le passage sous les radars des années 90 constitue en plus d’un échec commercial un énième rendez-vous manqué pour le pop/rock français. Le groupe lui-même défendra peu le titre au cours de la promotion de l’album, lui préférant Kissing My Song et Satellite. Cela s’en ressent aussi sur la commercialisation du single en support physique dont les pochettes, très différentes entre le support commercial et celui promotionnel, présentent tous deux les frères Sirkis à l’occasion de shootings photo tenus à l’époque.