Cernés par les sens
Quoi de mieux pour présenter un album que de le jouer en live ? Surtout quand on connaît la capacité d’Indo à sublimer ses titres sur scène ? Le groupe a déjà joué des morceaux en avant-première par le passé, mais c’est la première fois qu’il met les petits plats dans les grands avec cette méthode, en diffusant carrément le concert à la télé la veille de la sortie de l’album. Nous sommes le 6 septembre 2024, Indo démarre son marathon promo après trois mois d’exploitation du lead single Le Chant des Cygnes, jusqu’à jouer dans les couloirs de la FNAC de Lille le soir même, tandis qu’à minuit c’est le top départ de la mise en vente. Et pendant ce temps-là, la France découvrait le Babel Show sur TMC…
C’était le 13 août 2024, quand le teasing de Babel Babel battait son plein, qu’Indo annonce sur ses réseaux la préparation d’un concert spécial. Sous réserve d’être tiré au sort parmi 300 heureux élus, il fallait se présenter devant un lieu tenu secret près de Paris le 3 septembre pour assister à ce qui se présentait comme une vitrine du nouvel album alors tant attendu.
Dix titres sur les dix-sept, ni plus ni moins, pour découvrir non seulement neuf toutes nouvelles chansons (Le Chant des Cygnes étant déjà connu) mais aussi les découvrir dans les conditions de concert, malgré une configuration peu commune où le groupe joue sur une scène tout autour du public, comme un héritage du Central Tour. Mais cette fois, la scène est à hauteur des spectateurs, et surtout, des écrans ont été disposées tout autour de la salle, un par mur, encerclant les gens pour mieux les immerger dans les vidéos dites backdrop. Sans grand étonnement, c’est sur Babel Babel que l’intro se déroule, exploitant l’idée des journaux télévisés rappelant là aussi l’intro de la tournée des stades de 2022, et éparpillant les infos comme autant de langues étrangères pour reprendre le mythe de la Tour de Babel. Sans surprise, le titre up-tempo ouvrant le second disque de l’album fait des merveilles en live, avec une forte présence des guitares comme on aimerait en réentendre plus souvent. Car dès le second titre, L’Amour Fou, on retrouve plutôt le ton festif du 13 Tour et de son 2033 repris presque trait pour trait (gimmick jovial, confettis, couleurs vives), un effet redite qui n’a pour seul effet que de faire contrepoids après le titre d’ouverture. Victoria quant à lui ressemble énormément à sa version album, faisant presque passer le concert pour du playback, et seuls les passages plus calmes donne plus d’authenticité. Qu’importe, la production testostéronée du titre transporte malgré tout et le ton guerrier habité par les jeunes ukrainiennes jouant des cuivres donne une certaine allure à ce passage du concert.
Mais de l’allure, il n’y a pas besoin d’aller loin pour en trouver : sitôt commencé les coups de batterie de Ludwig, le public reconnaît l’intro de Le Chant des Cygnes et sait d’ores et déjà qu’un grand moment de concert va commencer. Et c’est pas rien de le dire : le refrain est d’une puissance ahurissante en live, même malgré le renfort vocal trop audible des chœurs studio. La production solide, la basse vrombissante, la guitare de Boris sur le post-refrain, tout cela contribue à offrir un pur moment de live qui promet de belles heures pour l’Arena Tour. Comme si cela n’était pas suffisant, Indo enchaîne avec une autre grande réussite musicale de l’album, Ma Vie est à Toi, où le gimmick de synthé directeur transporte déjà avec sa mélodie addictive tandis que les musiciens apportent un son électro-rock nerveux et puissant. Ça tombe bien, ils ont eu la bonne idée d’ajouter un refrain instrumental supplémentaire en fin de titre, quand la version album s’épuise sur les sifflotements studio. Ma Vie est à Toi, c’est aussi un des meilleurs visuels projetés pendant le concert, avec cette esthétique psyché 60’s particulièrement léchée, certes générée par l’IA mais c’est là un sujet plus que d’actualité en plus de rappeler le teaser des Salingers…
On continue avec le non moins vigoureux Sanna sur la Croix et ses accords de piano entêtants, du pur Nicola dans l’âme, presque trop pour les fans un peu usés par la formule. Pourtant, celle-ci marche plus que jamais ici, avec un excellent rendu sur le rythme et les synthés, calibrant le tout à la perfection. Vient ensuite La Belle et la Bête qui, bien avant que l’on sache que ce serait le prochain single, surprenait et interpellait déjà pour son orientation musicale qui sort des sentiers battus. Tout en étant du pur Indochine malgré tout, dans sa créativité et son originalité, comme en témoigne les vidéos de primates jouant des cuivres sur les écrans. C’est aussi le seul morceau à bénéficier d’un outro totalement inédit, où de brefs coups de trombones invite à taper des mains pour rentrer dans la danse. Vient alors la séquence émotion de la soirée avec Seul au Paradis, un chant funéraire déjà bien émouvant auquel Indo ajoute des chœurs masculins et un orchestre complet apparaissant en fond de vidéo, pareil à une marche en fanfare possiblement soufflée par l’Orchestre de la Garde Républicaine des précédentes tournées.
Qu’on se rassure, Babel Babel perpétue la tradition des titres en Boy, mais aussi celle de la référence au continent asiatique, tout ceci en une seule et même chanson : Tokyo Boy. Et il faut prendre le titre au mot, puisque les vidéos elles-mêmes nous transportent dans la capitale nippone qui vit à cent à l’heure, de quoi voyager sans bouger de sa salle de concert ! L’air, bourré d’entrain, est l’un des plus solaires produits par Indo, du pop-rock survitaminé qui épate où la mélodie-voix et les gimmicks ne se font jamais défaut. Reste juste à reprocher une intro un peu longue, déjà sur l’album et encore un peu plus en concert, en revanche la dernière minute régale avec sa couche synthétique qui n’hésite pas à chausser de gros sabots. La transition montante réussie avec le « dernier morceau » finit bien le titre pour laisser place à La Vie est à Nous, innocente aux premiers abords, mais qui va à son tour nous en mettre plein les oreilles, à sa manière. Astucieusement monté en trois parties, chacune renforçant tour à tour le rythme du refrain, cette chanson pleine de vie use du crescendo pour parvenir à un final tonitruant. Non seulement l’idée est excellente, mais elle est rejointe par une autre : celle de faire monter des fans sur scène pour frapper en rythme sur des bidons placés là pour l’occasion. Un excellent tour de scène qui, à grand renfort de confettis, scelle l’ambiance festive de cet ultime morceau, avec ce côté participatif comme Talulla en son temps, si ce n’est que l’idée est encore meilleure.
Puis quand vient le moment de dire au revoir, voilà que se lance un autre morceau en fond, qui a de quoi emballer l’auditoire dès qu’elle commence à résonner : voilà Showtime, le son furieusement électro sur lequel, par un coup de baguette magique, le logo du Babel Show se transforme pour devenir celui de l’Arena Tour, tandis que les dates se révèlent une à une. Pouvait-on mieux promouvoir un album et sa tournée ?
Si le Babel Show s’arrête là, le public présent au studio Dushow de Roissy-en-France aura droit à un petit bonus avec Nos Célébrations, non enregistré et donc absent de la diffusion TV et des CD et DVD, car oui, des supports officiels du concert sont sortis dans le commerce. C’est là que rentre en compte l’édition collector de Babel Babel, opportunément sorti dans le commerce le 6 décembre 2024, comprenant les supports du concert dans une qualité plus standard que dans celle d’une diffusion télévisuelle. De quoi en profiter dans les meilleures conditions, quitte à repasser à la caisse. Au moins, la qualité est là.







