Vers l’accomplissement

Eté 2025. L’Arena Tour fait une pause, après un enchaînement insensé de 67 dates de janvier à juin. Avant de reprendre à l’automne, Indochine annonce avoir l’honneur de représenter la France à l’exposition universelle d’Osaka le 13 septembre, offrant aussi l’opportunité au groupe de donner son premier concert au Japon. L’occasion est trop bonne pour ne pas en profiter, aussi Nicola emmène son équipe de techniciens dans les rues de la ville nippone, posant à cette occasion la caméra, là à l’autre bout de la Terre où culture ancestrale et modernité se mélangent sur un archipel aux mille facettes. Alors quoi ? Les images prises à ce moment-là illustreront-elles Tokyo Boy dans un clip à venir ? Alors que certaines publications sous-entendaient plutôt une sortie de Sanna sur la Croix ?

Eh bien ni l’un ni l’autre ! C’est No Name qui est annoncé en prochain single, quand la tournée reprend en octobre. C’est inattendu, car Indo brise là une règle quasi-inaliénable : jamais une chanson d’album pas jouée en live pendant la tournée de promotion (ou très peu) n’est sortie en single. Dans le cas No Name, il était pratiquement inexistant au cours de la première partie de l’Arena Tour. Exception faite du concert très très privé de RTL2 en avril et de Bercy en juin, dont on découvre alors le backdrop pour la première fois. C’est alors une surprise de taille, quand on pensait alors que le groupe réserverait le morceau pour la deuxième partie de la tournée. Imaginez comme c’est une plus grande surprise encore d’apprendre le 25 août qu’il est carrément le nouveau single, le quatrième, pour succéder à L’Amour Fou. Sans confirmation officielle, difficile d’imaginer si cela était prévu ou non, mais on se plaît à en tirer une belle histoire, où ce titre plébiscité par les fans se retrouvé propulsé dans la lumière. Et chez Indochine, on aime les belles histoires.

No Name est une chanson on ne peut plus indochinoise. On peut même avancer qu’elle ne raconte rien de plus ou de moins que ce que Nicola a toujours chanté : la confusion des genres, la résistance seuls face au monde, la lutte de l’espoir au nom de l’avenir. C’est quelque peu banal aujourd’hui, mais Nicola a su remettre à profit sa formule, comme une recette magique qui parvient toujours à toucher malgré la récurrence des thèmes abordés. La musique aide sans doute grandement, comme un vaisseau qui véhicule des idées et dont l’esthétique leur donne à chaque fois une forme nouvelle. Et la musique, c’est d’abord ce gimmick à la guitare, identifiable à mille lieux, et tant efficace qu’il est devenu évident sitôt la première écoute entamée. Et à sa découverte, justement, c’est comme si on l’avait toujours connu, comme si chaque fan d’Indochine s’était reconnu en lui. Pourtant rien n’est si facile dans No Name, à commencer par son absence de refrain, une idée pas si coutumière même pour Indo, et même dans ce mouvement sans filet de sécurité, le groupe arrive toujours à tomber sur ses pattes : on ne ressent même pas cette absence. Il faut dire que ce gimmick, terriblement efficace s’il en est, le remplace sans aucun problème, laissant à Nicola toute latitude pour poser son flot de mélodie-voix tantôt anaphorique sur la première partie de couplet, tantôt renversant sur la seconde, amenant une sorte d’état de grâce portant l’élégance de l’espoir.

Pour illustrer No Name, et avant même le tournage du clip à Osaka, Indo s’est reposé sur une idée simple : mettre en avant la jeunesse. Là encore, rien de bien innovant de la part du groupe, mais comme pour la chanson elle-même il y a toujours la petite idée qui vient enrichir le récit proposé. Dans le cas présent, ladite jeunesse est présentée à travers les différentes époques depuis les années 50 jusqu’à aujourd’hui, faisant se succéder sept décennies de looks, de désinvolture, de vie en société… de quoi permettre au public des concerts de se reconnaître à la vue de ces images, puisque chaque génération retrouvera les canons de ses jeunes années, qu’elles remontent à loin ou qu’elles soient encore actuelles. Cela expose une certaine force de personnalité, un tempérament qui s’affirme à l’heure où l’on tend à s’effacer, faisant se conjuguer le propos tant à la véracité de son message qu’à son universalité. Le clip sorti le 6 novembre reprend partiellement ces illustrations pour agrémenter le travelling de caméra positionné dans le dos de Nicola, marchant nonchalamment à Osaka, une ville vrombissante d’énergie dont le sentiment d’évasion renvoie parfaitement aux origines d’Indochine. Encore une boucle de bouclée pour un artiste qui a définitivement toujours su rester cohérent avec lui-même.

No Name, c’est typiquement un nom de code donné à un titre en voie de gestation, lors de la conception d’un album. On ne peut pas faire plus nom de maquette, d’ailleurs, tandis qu’Indo en a fait un sport national au gré de ses innombrables sessions d’enregistrement. On repense au nom « Electra » pendant la préparation de Dancetaria pour le titre définitif que vous devinerez sans mal, d’A la vie A la mort pendant Alice & June pour Ladyboy ou encore On a Wheel pour Wuppertal pendant Black City Parade. Et si certains noms de code sont finalement retenus, c’est à se demander ce qu’Indo avait en tête en gardant No Name tel quel. Peut-être qu’ils ne pouvaient pas faire autrement tant la maquette est longtemps restée dans les disques durs d’Oli, tel un embryon dormant qui ne demandait qu’à éclore. Il faut dire que No Name existe depuis au moins Black City Parade, comme en témoigne le film conçu pendant les sessions de compositions et d’enregistrement de l’album, en 2012. Ce qui en dit long sur les trésors qui doivent rester dans les placards, de quoi laisser rêveur tout fan curieux de ce que le groupe doit garder sous clé, pour une possible sortie dans les années à venir.

No Name se décline en dix supports différents, un record pour le groupe, mais il y a une raison simple à cela : cinq visuels différents sont proposés, chacun sur Maxi CD et Maxi 45 tours. Les progrès de l’IA générative étant ce qu’ils sont, il est difficile de dire si les clichés d’adolescents figurant sur ces cinq éditions sont de véritables photos ou non. Quoi qu’il en soit, les supports sortent le 5 décembre 2025, et les collectionneurs les plus chevronnés auront tout raflé, quand bien même le contenu des disques reste le même : la version album, radio, instrumentale et live, cette dernière ayant été enregistrée lors de sa première interprétation en public, lors du concert RTL2 au quai Branly le 21 avril. Une aubaine pour ce titre et pour tous ceux qui l’aiment.

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