Bon karma

2001. Un nouvel Indochine se dessine. Jean-Pierre Pilot quitte l’aventure après la tournée Nuits Intimes et Oli se voit propulsé au rang de compositeur. C’est une aubaine pour Nicola qui voit dans ce jeune graphiste passionné de rock indus l’émergence d’une nouvelle direction musicale pour Indochine, une voie plus rock, plus agressive voire plus corrosive. Le nouveau duo créatif s’entoure d’une équipe qui veut aller dans la même direction, dont Peggy M. qui élabore l’univers visuel, et ainsi naissent tour à tour des chansons annonçant la révolution. Des airs à la fois similaires et différents de ceux de Dominik, mais au son innovant et pleinement assumé, qui remettent tous les compteurs à zéro et montent les niveaux à pleine puissance. Pour les tester, le groupe organise un concert privé à l’Elysée-Montmartre le 21 février 2002, peu avant la sortie de Paradize, et parmi les nouveaux morceaux un certain Punker confirme la nouvelle tendance du groupe.

Monté sur deux simples accords, Punker est un titre fantasque où un gimmick se répète inlassablement, mais il est si bien tourné que ça fonctionne. Son mérite est d’abord de replacer le rock dans sa forme la plus épurée : court mais dansant. Et c’est efficace à souhait, d’où le choix de sortir le morceau en premier single. Le titre s’autorise tout de même une variante astucieuse en milieu de piste où l’attirail des guitares se retire momentanément, le temps que Nicola engage un dialogue astucieux adressé au public auquel ce dernier ne manquera pas de répondre pendant les concerts. Comme une lointaine référence aux premiers pas d’Indochine, Punker débute et termine sur un sample du film In The Mood for Love, production asiatique d’un autre temps dont on sent immédiatement le parfum à peine Punker lancé dans les oreilles. Détour un tantinet satirique par Singapour où tout est interdit, dont la pornographie, ce qui a amené Nicola à écrire ces paroles résumables en une simple question : où est l’amour ?
L’histoire de ce single est assez unique dans l’histoire d’Indochine, puisque Punker passera totalement inaperçu au profit de sa face B… un certain J’ai Demandé à la Lune. L’absence de clip (qui n’a pas eu le temps de se faire vu le succès immédiat et fulgurant de JDàLL) n’a pas aidé à mettre ce titre en valeur, mais il constitue un premier pas pour Indochine qui assume sa nouvelle image ; forme d’outsider accompli en phase avec une génération aux prises entre Placebo et Marilyn Manson que la musique diffusée par les radios n’emportera pas dans son sillage. Reste alors à Punker une défense sur scène solide lors de la décennie 2000 en début de set pour dynamiser le public avant d’être mis sur la touche dans les années 2010, exception faite du Festivals Tour 2016. Il constituerait pourtant une excellente alternative à Miss Paramount tant les deux titres disposent du même pouvoir de réactivité auprès des fans malgré l’écart des générations.

Punker sort en Maxi CD le 11 février 2002, soit un mois avant la sortie de Paradize. Les radios s’emparent alors de la deuxième chanson présente sur le disque qu’il me semble inutile de rappeler. Les deux chansons sont chacune assorties d’un remix, et celui de Punker est plutôt déroutant. Réalisé par Télépopmusik, une formation française adepte de trip hop, il n’a tout simplement aucun rapport, de près ou de loin, avec la chanson initiale ! Le remix n’est pas mauvais pour autant, c’est une musique atmosphérique très moderne qui se laisse écouter sans broncher, et au fond peut-être mieux vaut une musique nouvelle qu’un remix maladroit qui s’efforce d’utiliser le matériau de base pour justifier son existence. Parallèlement, Oli s’est laissé aller à un mashup du titre avec The Sound of Violence de Cassius, aussi étonnant que réussi et principalement accessible sur l’édition limitée de Paradize +10 sorti en 2012. Quant au remix de J’ai Demandé à la Lune, je vous invite à consulter l’article dédié.

Il existerait un promo très rare de Punker, au point que le seul moyen de se l’offrir est de posséder la Single Box de Paradize +10 qui en contient une reproduction presque fidèle. Cela reste à prouver, mais il pourrait simplement s’agit du Maxi CD reconverti en pochette classique pour s’aligner avec le reste de la box.